Le flux d’exécution JavaScript dans un navigateur, de même que dans Node.js, est basé sur la boucle d’événement.
Comprendre comment fonctionne la boucle d’événement est important pour les optimisations, et parfois pour le bon choix d’une architecture.
Dans ce chapitre, nous couvrons d’abord les détails théoriques sur le fonctionnement des choses, puis nous verrons les applications pratiques de ces connaissances.
La boucle d’événement
Le concept de boucle d’événement est très simple. Il y a une boucle sans fin, où le moteur JavaScript attend les tâches, les exécute puis dort, en attendant plus de tâches.
L’algorithme général du moteur:
- Tant qu’il y a des tâches:
- il les exécute, en commençant par la tâche la plus ancienne.
- Dort jusqu’à ce qu’une tâche apparaisse, puis repasse à 1.
C’est une formalisation de ce que nous voyons lors de la navigation sur une page. Le moteur JavaScript ne fait rien la plupart du temps, il ne fonctionne que si un script / gestionnaire / événement s’active.
Exemples de tâches:
- Lorsqu’un script externe
< script src = "...">
charge, la tâche consiste à l’exécuter. - Lorsqu’un utilisateur déplace sa souris, la tâche consiste à envoyer un événement
mousemove
et à exécuter des gestionnaires. - Lorsque le temps est écoulé pour un
setTimeout
planifié, la tâche consiste à exécuter la fonction de callback. - …et ainsi de suite.
Les tâches sont définies – le moteur les gère – puis attend plus de tâches (tout en dormant et en consommant près de zéro CPU).
Il peut arriver qu’une tâche arrive pendant que le moteur est occupé, il est alors mis en file d’attente.
Les tâches forment une file d’attente, dite “file d’attente des macrotâches” (terme v8) :
Par exemple, alors que le moteur est occupé à exécuter un script
, un utilisateur peut déplacer sa souris provoquant un mousemove
, et un setTimeout
peut être écoulé, et ainsi de suite, ces tâches forment une file d’attente, comme illustré sur l’image ci-dessus.
Les tâches de la file d’attente sont traitées sur la base du «premier arrivé – premier servi». Lorsque le navigateur du moteur en a fini avec le script
, il gère l’événement mousemove
, puis le gestionnaire setTimeout
, etc.
Jusqu’à présent, c’est assez simple, n’est-ce pas ?
Deux détails supplémentaires:
- Le rendu ne se produit jamais pendant que le moteur exécute une tâche. Peu importe que la tâche prenne beaucoup de temps. Les modifications apportées au DOM ne sont peintes qu’après la fin de la tâche.
- Si une tâche prend trop de temps, le navigateur ne peut pas effectuer d’autres tâches, telles que le traitement des événements utilisateur. Donc, après un certain temps, cela soulève une alerte du type “La page ne répond plus”, suggérant de tuer la tâche avec toute la page. Cela se produit lorsqu’il y a beaucoup de calculs complexes ou une erreur de programmation conduisant à une boucle infinie.
C’était la théorie. Voyons maintenant comment nous pouvons appliquer ces connaissances.
Cas d’utilisation 1: fractionnement des tâches consommatrices de CPU
Supposons que nous avons une tâche gourmande en CPU.
Par exemple, la mise en évidence de la syntaxe (utilisée pour coloriser des exemples de code sur cette page) est assez lourde en termes de CPU. Pour mettre en évidence le code, il effectue l’analyse, crée de nombreux éléments colorés, les ajoute au document – pour une grande quantité de texte qui prend beaucoup de temps.
Bien que le moteur soit occupé à mettre en évidence la syntaxe, il ne peut pas faire d’autres trucs liés au DOM, traiter les événements utilisateur, etc. Cela peut même amener le navigateur à “saccader” ou même à “figer” un peu, ce qui est inacceptable.
Nous pouvons éviter les problèmes en divisant la grande tâche en morceaux. Mettez en surbrillance les 100 premières lignes, puis planifiez un setTimeout
(avec un délai à 0) pour les 100 lignes suivantes, etc.
Pour démontrer cette approche, par souci de simplicité, au lieu de la colorisation du texte, prenons une fonction qui compte de 1
à 1000000000
.
Si vous exécutez le code ci-dessous, le moteur va se “figer” pendant un certain temps. Pour du JS côté serveur, c’est clairement perceptible, et si vous l’exécutez dans le navigateur, essayez de cliquer sur d’autres boutons de la page – vous verrez qu’aucun autre événement n’est géré jusqu’à la fin du comptage.
let i = 0;
let start = Date.now();
function count() {
// réalise un gros job
for (let j = 0; j < 1e9; j++) {
i++;
}
alert("Effectué en " + (Date.now() - start) + 'ms');
}
count();
Le navigateur peut même afficher un avertissement “le script prend trop de temps”.
Divisons le travail en utilisant des appels de setTimeout
imbriqués :
let i = 0;
let start = Date.now();
function count() {
// réalise un morceau du gros job (*)
do {
i++;
} while (i % 1e6 != 0);
if (i == 1e9) {
alert("Effectué en " + (Date.now() - start) + 'ms');
} else {
setTimeout(count); // planifie un nouvel appel (**)
}
}
count();
Désormais, l’interface du navigateur est pleinement fonctionnelle pendant le processus de “comptage”.
Une seule exécution de count
fait une partie du travail (*)
, puis se re-calcule (**)
si nécessaire:
- La première manche compte :
i=1...1000000
. - La deuxième manche compte :
i=1000001..2000000
. - …et ainsi de suite.
Maintenant, si une nouvelle tâche secondaire (par ex. un événement onclick
) apparaît pendant que le moteur est occupé à exécuter la partie 1, elle est mise en file d’attente, puis s’exécute lorsque la partie 1 est terminée, avant la partie suivante. Les retours périodiques à la boucle d’événement entre les exécutions «count» fournissent juste assez d '«air» pour que le moteur JavaScript fasse autre chose, pour réagir à d’autres actions de l’utilisateur.
La chose notable est que les deux variantes – avec et sans diviser le travail par setTimeout
– sont comparables en vitesse. Il n’y a pas beaucoup de différence dans le temps de comptage global.
Pour les minimiser, faisons une amélioration.
Nous déplacerons la planification au début du count()
:
let i = 0;
let start = Date.now();
function count() {
// déplace la planification au début
if (i < 1e9 - 1e6) {
setTimeout(count); // planifie le nouvel appel
}
do {
i++;
} while (i % 1e6 != 0);
if (i == 1e9) {
alert("Effectué en " + (Date.now() - start) + 'ms');
}
}
count();
Maintenant, quand nous commençons à count()
et voyons que nous aurons besoin de count()
supplémentaires, nous planifions cela immédiatement, avant de faire le travail.
Si vous l’exécutez, il est facile de remarquer que cela prend beaucoup moins de temps.
Pourquoi ?
C’est simple: comme vous vous en souvenez, il y a le retard minimal dans le navigateur de 4 ms pour de nombreux appels de setTimeout
imbriqués. Même si nous définissons un délai à 0
, c’est 4ms (ou un peu plus). Donc, plus nous les planifions tôt – plus ils s’exécuteront rapidement.
Voilà, nous avons divisé une tâche gourmande en CPU en morceaux – maintenant elle ne bloque pas l’interface utilisateur. Et son temps d’exécution global n’est pas beaucoup plus long.
Cas d’utilisation 2: indicateur de progression
Un autre avantage de la division de tâches lourdes pour les scripts de navigateur est que nous pouvons afficher un indicateur de progression.
Comme mentionné précédemment, les modifications apportées au DOM ne sont peintes qu’après la fin de la tâche en cours d’exécution, quel que soit le temps nécessaire.
D’une part, c’est génial, car notre fonction peut créer de nombreux éléments, les ajouter un par un au document et changer leurs styles – le visiteur ne verra aucun état “intermédiaire” et inachevé. Une chose importante, non?
Voici la démo, les modifications apportées à i
n’apparaîtront pas avant la fin de la fonction, nous ne verrons donc que la dernière valeur :
<div id="progress"></div>
<script>
function count() {
for (let i = 0; i < 1e6; i++) {
i++;
progress.innerHTML = i;
}
}
count();
</script>
…Mais nous pouvons également vouloir afficher quelque chose pendant la tâche, par exemple une barre de progression.
Si nous divisons la tâche lourde en morceaux à l’aide d’un setTimeout
, les modifications sont peintes entre elles.
Cela semble plus joli :
<div id="progress"></div>
<script>
let i = 0;
function count() {
// réalise un morceau du travail lourd (*)
do {
i++;
progress.innerHTML = i;
} while (i % 1e3 != 0);
if (i < 1e7) {
setTimeout(count);
}
}
count();
</script>
Maintenant, la <div>
montre des valeurs croissantes de i
, une sorte de barre de progression.
Cas d’utilisation 3: faire quelque chose après l’événement
Dans un gestionnaire d’événements, nous pouvons décider de reporter certaines actions jusqu’à ce que l’événement “bouillonne” (bubble up) et soit géré à tous les niveaux. Nous pouvons le faire en enveloppant le code dans un setTimeout
avec un délai nul.
Dans le chapitre Distribution d'événements personnalisés, nous avons vu un exemple: l’événement personnalisé menu-open
est envoyé dans un setTimeout
, de sorte qu’il se produit après que l’événement “clic” soit entièrement géré.
menu.onclick = function() {
// ...
// crée un événement personnalisé avec les données de l'élément de menu cliqué
let customEvent = new CustomEvent("menu-open", {
bubbles: true
});
// dispatche l'événement personnalisé de manière asynchrone
setTimeout(() => menu.dispatchEvent(customEvent));
};
Les Macrotâches et les Microtâches
Avec les macrotâches, décrits dans ce chapitre, il y a les microtâches, mentionnés dans le chapitre Les micro-tâches.
Les microtâches proviennent uniquement de notre code. Ils sont généralement créés par des Promesses: une exécution du gestionnaire .then / catch / finally
devient une microtâche. Les microtâches sont également utilisées “sous la couverture” d’un await
, car c’est une autre forme de gestion des Promesses.
Il existe également une fonction spéciale queueMicrotask(func)
qui met en file d’attente func
pour l’exécution dans la file d’attente des microtâches.
Immédiatement après chaque macrotâche, le moteur exécute toutes les tâches à partir de la file d’attente des microtâches, avant d’exécuter d’autres macrotâches, ou rendu, ou quoi que ce soit d’autre.
Par exemple, jetez un œil là-dessus:
setTimeout(() => alert("timeout"));
Promise.resolve()
.then(() => alert("promise"));
alert("code");
Quel sera l’ordre ici?
code
s’affiche en premier, car il s’agit d’un appel synchrone régulier.promise
s’affiche en second, car.then
passe par la file d’attente des microtâches et s’exécute après le code actuel.timeout
s’affiche en dernier, car c’est une macrotâche.
Une image, plus parlante, de la boucle d’événements ressemble à ceci (l’ordre est de haut en bas, c’est-à-dire: le script d’abord, puis les microtâches, le rendu, etc.):
Toutes les microtâches sont terminées avant toute autre gestion ou rendu d’événement ou toute autre macrotâche.
C’est important, car cela garantit que l’environnement de l’application est fondamentalement le même (pas de changement de coordonnées de souris, pas de nouvelles données réseau, etc.) entre les microtâches.
Si nous souhaitons exécuter une fonction de manière asynchrone (après le code actuel), mais avant que les modifications ne soient rendues ou que de nouveaux événements ne soient traités, nous pouvons la planifier avec un queueMicrotask
.
Voici un exemple avec le “calcul de la barre de progression”, similaire à celui illustré précédemment, mais “queueMicrotask” est utilisé à la place de “setTimeout”. Vous pouvez voir que cela se produit à la toute fin. Tout comme le code synchrone :
<div id="progress"></div>
<script>
let i = 0;
function count() {
// réalise un morceau du travail lourd (*)
do {
i++;
progress.innerHTML = i;
} while (i % 1e3 != 0);
if (i < 1e6) {
queueMicrotask(count);
}
}
count();
</script>
Résumé
Un algorithme de boucle d’événement plus détaillé (bien que toujours simplifié par rapport à la spécification):
- Dépile et exécute la tâche la plus ancienne de la file d’attente macrotâches (par ex. “script”).
- Exécute toutes les microtâches :
- Tant que la file d’attente des microtâches n’est pas vide :
- Dépile et exécute la plus ancienne microtâche.
- Tant que la file d’attente des microtâches n’est pas vide :
- Le rendu change le cas échéant.
- Si la file d’attente des macrotâches est vide, attend qu’une macrotâche apparaisse.
- Passez à l’étape 1.
Pour planifier une nouvelle macrotâche:
- Utilisez un
setTimeout(f)
avec un délai de 0.
Cela peut être utilisé pour fractionner en morceaux une grande tâche de calcul lourd, pour que le navigateur puisse réagir aux événements utilisateur et afficher une progression entre eux.
Également, c’est utilisé dans les gestionnaires d’événements pour planifier une action après que l’événement ait été entièrement géré (“bubbling” terminé).
Pour planifier une nouvelle microtâche
- Utilisez un
queueMicrotask(f)
. - Les gestionnaires de Promesses passent également par la file d’attente des microtâches.
Il n’y a pas de gestion d’interface utilisateur ou d’événement réseau entre les microtâches: elles fonctionnent immédiatement l’une après l’autre.
On peut donc vouloir utiliser un queueMicrotask
pour exécuter une fonction de manière asynchrone, mais dans l’état de l’environnement.
Pour les calculs longs et lourds qui ne devraient pas bloquer la boucle d’événement, nous pouvons utiliser les Web Workers.
C’est une façon d’exécuter du code dans un autre thread parallèle.
Les Web Workers peuvent échanger des messages avec le processus principal, mais ils ont leurs propres variables et leur propre boucle d’événements.
Les Web Workers n’ont pas accès au DOM, ils sont donc utiles, principalement, pour les calculs, pour utiliser simultanément plusieurs cœurs CPU.
Commentaires
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